Les habitudes de travail et d’occupation des espaces changent à grande vitesse.
Entre télétravail, coworking et besoins de flexibilité, les entreprises ne veulent plus s’engager sur des contrats longs et rigides. C’est dans ce contexte qu’est né le concept de “flex office” : des espaces modulables, loués à la demande, offrant une liberté totale d’usage.
Mais sur le plan juridique, cette souplesse soulève une question cruciale :
👉 le “bail flex office” relève-t-il du bail commercial, du bail professionnel ou d’une simple prestation de services ?
Au cabinet MARTIN & MREJEN, nous accompagnons bailleurs, exploitants et entreprises pour encadrer juridiquement ces nouveaux modèles d’occupation.
1. Le “flex office” : qu’est-ce que c’est exactement ?
Le “flex office” (ou bureau flexible) est un espace de travail partagé et modulable, où l’entreprise occupe un bureau ou un poste pour une durée courte, variable, et souvent sans exclusivité.
Quelques caractéristiques typiques :
- absence de poste de travail attitré ;
- location à la demande (à l’heure, au jour, au mois) ;
- services associés : internet, ménage, accueil, maintenance ;
- absence d’engagement long terme (souvent résiliable à tout moment).
💬 Exemple : une start-up loue un bureau pour trois mois dans un espace “flex office” géré par une société d’exploitation. Elle pourra moduler sa durée d’occupation ou quitter les lieux à tout moment.
Cette liberté séduit les entreprises… mais s’éloigne du modèle du bail commercial traditionnel, encadré par le Code de commerce.
2. Le bail commercial 3/6/9 : un cadre parfois inadapté
Le bail commercial classique repose sur la stabilité :
- durée minimale de 9 ans,
- droit au renouvellement,
- plafonnement du loyer,
- protection forte du locataire.
Or, ces règles sont mal adaptées au mode de fonctionnement du “flex office”, qui suppose :
- une occupation temporaire et souvent non exclusive,
- des prestations de services annexes,
- une facturation souple,
- et une rotation fréquente des occupants.
🧩 Problème : si le contrat signé s’apparente en réalité à une mise à disposition de locaux pour une activité commerciale, il pourrait être requalifié en bail commercial, avec toutes les conséquences associées (droit au renouvellement, plafonnement du loyer, etc.) si les clauses du contrat sont mal rédigées ou ne sont pas suffisamment précises.
3. Entre bail et prestation de services : où se situe le flex office ?
Juridiquement, les contrats de flex office sont souvent présentés comme des contrats de prestation de services immobiliers.
Le prestataire (souvent une société d’exploitation) fournit :
- un droit d’accès temporaire à un espace,
- des services associés (internet, nettoyage, sécurité, maintenance),
- mais sans transfert de jouissance exclusive.
En clair : le client n’est pas “locataire”, il est utilisateur.
Il bénéficie d’un accès à un espace partagé, sans droits réels sur le local.
💬 Exemple concret : une entreprise loue 3 bureaux dans un centre d’affaires pour six mois, avec possibilité de résiliation à tout moment. Le contrat ne mentionne aucune exclusivité ni droit au renouvellement → il s’agit d’une prestation de services, non d’un bail commercial.
4. Le risque de requalification en bail commercial
Le risque principal du “flex office” est la requalification judiciaire en bail commercial avec toutes les conséquences que cela emporte tant pour le locataire que pour le bailleur.
Si le contrat réunit les trois conditions cumulatives du bail commercial, le juge peut estimer qu’il s’agit d’un véritable contrat de bail commercial :
1️⃣ un contrat portant sur la mise à disposition d’un local,
2️⃣ l’exploitation dans ce local d’un fonds de commerce/industriel/artisanal appartenant au locataire (la notion de clientèle étant l’élément clé du fonds),
3️⃣ l’immatriculation du locataire au registre compétent.
💬 Exemple :
si une société immatriculée au registre du commerce et des sociétés loue toujours le même bureau, de façon continue, pour l’exploitation de son activité, en versant un loyer mensuel fixe et sans services réels,
➡️ le contrat risque d’être requalifié en bail commercial déguisé.
⚠️ Les conséquences sont lourdes :
- droit au renouvellement du bail,
- impossibilité d’expulsion libre,
- obligation de respecter le statut des baux commerciaux,
- versement d’une indemnité d’éviction en cas de non-renouvellement.
5. Comment encadrer juridiquement un contrat de “flex office” ?
Pour éviter tout risque de confusion, il est essentiel de rédiger le contrat avec soin.
Voici les clauses clés à prévoir :
A. Clause de non-exclusivité
Par exemple : “L’utilisateur reconnaît que les espaces mis à disposition peuvent être partagés avec d’autres clients du prestataire, sans attribution d’un poste ou d’un bureau privatif.”
Cette clause écarte le critère de jouissance exclusive.
B. Clause de facturation globale
Par exemple : “Le montant versé par l’utilisateur correspond à la fourniture d’un ensemble de services, incluant l’accès temporaire à un espace de travail.”
Cela souligne le caractère de prestation de services plutôt que de bail.
C. Clause de résiliation libre
Par exemple : “Le contrat peut être résilié à tout moment par l’utilisateur, moyennant un préavis de X jours.”
La souplesse de résiliation renforce la distinction avec un bail commercial.
6. Les enjeux fiscaux et réglementaires
1. Régime fiscal
Les prestations de flex office sont souvent soumises à la TVA, contrairement aux loyers de bail commercial qui peuvent être exonérés (sauf option du bailleur).
Cela s’explique par la fourniture de services annexes (ménage, accueil, internet, etc.).
2. Régime juridique du bailleur
Le gestionnaire doit veiller à :
- respecter les autorisations d’exploitation (ERP, sécurité, accessibilité),
- souscrire les assurances adaptées pour couvrir les utilisateurs temporaires,
- et gérer le flux d’occupants sans créer de lien juridique direct avec chacun.
💬 Exemple : dans un immeuble tertiaire, un bailleur loue à une société de coworking l’ensemble des plateaux. C’est ensuite cette société qui signe avec les utilisateurs des contrats de “flex office” ou de “mise à disposition de bureaux”.
7. Flex office et nouvelles tendances 2025
Le “flex office” s’inscrit dans une évolution plus large : celle du travail hybride et des baux agiles.
Les entreprises recherchent des solutions :
- adaptables à leurs effectifs,
- optimisées en coût,
- compatibles avec les objectifs environnementaux.
On voit donc émerger :
- des baux hybrides combinant location et services,
- des clauses de flexibilité intégrées dans les baux commerciaux,
- et même des contrats-cadres multi-sites, permettant d’occuper plusieurs espaces selon les besoins.
💬 Exemple : un grand groupe signe un contrat global avec un opérateur de bureaux flexibles lui permettant d’utiliser des postes dans plusieurs villes, sans bail distinct pour chaque site.
✅ Conclusion
Le bail “flex office” n’est pas encore défini par la loi, mais il illustre une évolution majeure : la frontière s’estompe entre bail commercial, bail professionnel et contrat de services.
Pour les bailleurs comme pour les entreprises, cette flexibilité offre une liberté inédite.
Mais elle impose une vigilance contractuelle extrême.
Chaque mot compte : une clause mal rédigée peut transformer une prestation souple en un bail commercial rigide.
Vous envisagez de signer ou d’exploiter un contrat de flex office ? Au cabinet MARTIN & MREJEN, nous accompagnons nos clients dans la rédaction, la négociation et la sécurisation de ces nouveaux modèles contractuels.
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